Matthieu Le Moal, pêcheur à Penmarch
On embarque pour la première fois avec Matthieu au tout début de l'année 2021, en pleine soirée et par 4 ou 5°C tout au plus (deux jours plus tôt, les premiers flocons sont tombés en Bretagne). On connaît Matthieu par William. Ensemble, ils ont fait leur lycée maritime à Lorient en 2017. On enfile les moufles et la combinaison de ski pour vous présenter ce natif de Pont l'Abbé, petit-fils et arrière-petit-fils de marin pêcheur.
Du chalut au large à la petite pêche
Avant d'obtenir son diplôme de marin pêcheur, Matthieu a déjà passé une dizaine d'années à la pêche professionnelle en tant que chef mécanicien, un profil très recherché par les armateurs. Durant cette période, il a presque tout vu : le chalut de fond sur des bateaux de 25 à 33m au large de l'Irlande et la senne danoise sur des navires hollandais en Manche, une technique hyper efficace très décriée par les pêcheurs et les scientifiques. Sur ces bateaux, Matthieu a constaté les excès de la pêche intensive et conforté son rêve de départ : s'installer sur un petit bateau pour exercer sa passion sur "son spot" d'enfance, les roches de Penmarch autour desquelles il a toujours pêché le bar en kayak.
En 2018 enfin, il achète un bateau de 8,27m baptisé le Zebulon. C'est parti pour la seconde vie de marin pêcheur où il peut concilier sa vie de famille et sa passion.
Un travail d'orfèvre en terrain miné
Père d'un petit garçon de 6 mois, Matthieu pêche de nuit pour préserver son rythme de vie de famille la journée. C'est un papa idéal, en plus d'être pêcheur. Donc un superpapa idéal !
Au cœur des roches de Penmarch devant le petit port de Kerity, on fait route vers les spots de pêche. Matthieu nous prévient : "Il vaut mieux ne pas trop faire confiance au pilote automatique", légèrement caracteriel. Les roches affleurent la surface de l'eau. Il faut ouvrir les yeux, heureusement, il les connaît par cœur : toutes portent un nom bien précis, "Men Corn", "Men Daniel" ou encore "Men Cren" ("Men" désigne "Pierre" en breton).
On sort vers 16h, 2h avant la tombée de la nuit, grosse période d'activité pour les poissons avec le passage à la vie nocturne. C'est un cas de figure original pour la pêche, la plupart des professionnels sortent pour le lever du jour et non le coucher. Il cale des filets droits à grandes mailles pour chercher les lieus ou les mulets qui s'activent sous l'eau. Un peu plus tôt dans la saison, c'était les bars, les rougets et les grisets. Ce qui ne varie jamais, c'est le très faible nombre de filets calés, jamais plus de 5 séries de 300m chacunes, bien posées sur les zones de passage et relevées une ou deux heures après pour retrouver le poisson vivant dans les mailles, sans morsures de congre.
Durabilité et diversité
Pour accéder aux spots, Matthieu n'a que quelques centaines de mètres de navigation. Au championnat Poiscaille du ratio quantité pêchée / gazole consommé, on lui promet au minimum une place sur le podium. Même s'il cible les espèces en fonction de l'évolution de la saison, des températures et de la météo, Matthieu retrouve souvent une belle diversité dans ses filets, jusqu'à 10 ou 12 espèces toutes valorisées. Immédiatement remontées, démaillées puis vidées à bord : les poissons sont magnifiques. En novembre 2020, Matthieu a même eu le droit à une saupe de plus d'1kg. Un poisson que l'on avait jamais vu au nord du Cap Ferret, inconnu donc chez les Bretons, collector !
Pour compléter les pêches autour des roches de Penmarch, Matthieu cale aussi les filets droits un poil plus au large où les fonds descendent rapidement à plus de 40m. Ici, il cherche les gros lieus jaunes jusqu'à 5 ou 6kg. Dès le retour des beaux jours, il attendra les passages des maquereaux et gros chinchards à queue jaune pour tenter d'en intercepter. Et gare à en laisser à la colonie de phoques qui a élu domicile sur l'archipel pour éviter qu'ils ne les chipent directement dans les filets sous l'eau.
Cohabiter et diversifier au maximum pour laisser reposer les spots de pêche et les espèces au fil des saisons, c'est la garantie pour Matthieu de pouvoir continuer à vivre de la pêche à petite échelle dans 20 ans. D'ici là, on espère que son garçon aura pu, lui aussi, ferrer son premier bar en kayak autour de Kerity et que l'histoire se répète.
🐟 Espèces retrouvées le plus souvent chez Poiscaille : lieu jaune, mulet, bar, tacaud, rouget barbet, chinchard, vieille
🎣 Techniques de pêche : Filet